Interview Environment Artist - Pierre Halais

Comment définirais-tu le métier d’Environment Artist chez KT ? peux-tu nous préciser ton rôle au sein de Kylotonn ?

Je suis environment artist senior, ça veut dire que je suis en charge, au sein de l’équipe d’environment artist de créer, concevoir les différents environnements pour les productions de Kylotonn, sous la responsabilité d’un lead et du directeur artistique.
C’est un rôle en “partenariat” avec les Level Designers et les programmeurs, qui consiste globalement à créer les environnements de jeu.  (NDLR : Plus d’informations dans l’interview de Laure, Level designer à Kylotonn !)
Les Level Designers sont chargés de placer les routes, tout ce qui est en rapport avec le gameplay, le level design…
Les programmeurs sont là pour nous aider en développant des outils ou en améliorant le moteur de jeu.
Le travail d’un environment artist est de créer cet univers, qui doit rester cohérent tout en respectant le monde dans lequel le joueur va évoluer. C’est à nous de représenter Hong Kong de la manière la plus fidèle possible.

Vous avez le droit à un peu de liberté ? Par exemple, décider que tel objet sera un pot de fleur, ou une caisse, c’est votre responsabilité et vous êtes libre de choisir ?

Oui tout à fait, on fait une adaptation fidèle mais on ne représente pas à 100% la réalité. Enfin, sur certains endroits, c’est le cas, on va vraiment chercher à ce que ce soit le plus fidèle possible. Mais sur d’autres endroits, on les représente de la manière qui nous convient le mieux, en fonction de ce qu’on a a disposition comme assets (NDLR : Les assets sont des ressources informatiques qui composent les jeux vidéos telles que les textes, les images, les vidéos et les sons), de ce qu’il est possible de faire avec notre technologie…etc. 

Qui créer les assets dont tu parles ? C’est vous aussi ?

Oui, on les crée, on les modélise, on les texture, on les rend destructibles s’il le faut…Moi par exemple je suis responsable des éléments destructibles du jeu. D’autres personnes sont en charge de la végétation, d’autres des zones rurales, d’autres des immeubles, etc…On a chacun une tâche définie au sein de l’équipe, et chacun des prédispositions pour des tâches particulières.

Comment on crée un environnement à partir de rien ? quels genres de références tu utilises ?

On part d’images de références, sur Google map, avec des photos et vidéos trouvées sur le net …Et on se crée une base d’images de référence sur laquelle on peut s’appuyer. À partir de là, on va créer, modéliser, texturer, etc, tous les objets dont on a besoin. Soit des objets simples, soit des bouts d’immeubles, des trottoirs…bref, ce qu’on veut. Et après on reprend encore une fois les images de référence pour placer ces éléments là de la manière la plus réaliste possible, puisqu’on développe un jeu qui l’est. 

Oui vous n’allez pas mettre un dinosaure dans un coin de rue !

Ah, on a essayé (rire)…à l’époque de Tourist trophy on avait essayé avec une girafe qu’on l’avait mise dans une montgolfière. Sur WRC 6, on avait planqué une vache en haut d’un immeuble. On ne la voyait quasiment pas. On avait mis des girafes et des vaches un peu partout, je crois qu’il y en a une ou deux qui sont restées dans le jeu final (rire). On ne les voit vraiment pas, mais nous on le sait. Aujourd’hui on est plus sérieux, c’est des anecdotes de production qui datent, mais qui sont amusantes. 

Que préfères-tu dans ton métier ?

La diversité des missions principalement ! Chaque mission est différente, chaque ambiance, chaque région…Que ce soit juste traiter des problèmes comme des bugs, ou créer une région à partir de rien, c’est toujours un défi à relever. Tu dois produire le meilleur du meilleur dans un minimum de temps, avec les contraintes qu’on connaît, les contraintes techniques liées au jeux vidéo…Ça implique de faire preuve d’imagination et de créativité tout le temps. L’aspect team building est super aussi. Le fait de travailler en équipe, ça permet de confronter son travail avec celui des autres. Les idées des autres amènent de nouvelles idées, ça crée une émulation qui est super intéressante dans ce type de métier. On communique, on rigole, on prend du plaisir en travaillant ce qui est quelque chose d’assez rare je pense dans le monde du travail ! C’est une chance de pouvoir travailler dans ce milieu là, il est assez verrouillé et difficile d’accès, mais c’est jeune et dynamique, c’est vraiment plaisant.
Et puis il y a le côté gratifiant aussi. Je me dis que des milliers de joueurs vont voir mon travail, sans savoir que c’est moi qui l’ai fait, mais potentiellement ces milliers de joueurs vont se dire “ha c’est super cool ici, il est joli le jeu, j’aime cet endroit là!” et ça, ça me fait super plaisir. 

Raconte-nous ta journée type

On commence par le traditionnel daily (ndlr: courte réunion ayant lieu tous les matins), où on raconte qui fait quoi dans la journée. Cela nous permet de faire aussi un petit brainstorm le matin. Ensuite, c’est parti ! Si on a une région qui nous est assignée, on travaille dessus. On a aussi des indications de choses diverses à améliorer, à changer. Et puis, on avance sur nos tâches qui sont assez encadrées donc, on sait ce qu’on a à faire. Par exemple, un endroit de la map qui est vide, on va aller prendre nos images de références, et on va l’habiller avec des choses diverses, des arbres, du bitume, etc. Il y a un juste milieu entre le trop et le pas assez, c’est la principale difficulté ! De savoir doser pour créer quelque chose de beau et de fonctionnel. 

Peux-tu nous parler de ton parcours ?

Alors c’est long et compliqué ! j’ai fait mes études à L’IIM de paris, pour devenir chef de projet à la base. Je me suis rendu très rapidement compte que ça ne m’intéressait pas, j’ai fini par aller en 3D un peu par hasard. Quand est venu le moment de chercher un stage, j’ai été recommandé par un de mes profs qui travaille à Cyanide. Et c’est comme ça que j’ai mis un pied dans le monde du jeu vidéo ! j’ai travaillé sur pro cycling manager 2010 et 2011. J’étais joueur, mais je pensais me former pour le cinéma d’animation, pas le jeu vidéo à l’origine. J’ai eu beaucoup de chance ! Ensuite j’ai enchaîné les stages, j’aurai aimé rester mais il n’y avait pas de poste ouvert pour moi.
Une fois mon diplôme en poche, j’ai bossé pendant un an sur un projet indé en partenariat avec un freelance en Hollande qui m’a appris plein de choses, sur les techniques de modélisation etc.
Un jour “Mzone studio” situé à Pornic en Loire Atlantique,m’a appelé, et je suis parti la bas pendant 2 ans et demi, c’était super. Malheureusement la boite à coulée, les aléas d’une société…Du coup je suis parti a TT games à Manchester, j’ai travaillé sur les jeux Lego avengers et jurassic Park, j’étais Lego artist. C’était sympas, mais j’avais envie de rentrer en France. J’ai également fait un peu de serious gaming a Coventry avant de rentrer en France, c’était une très mauvaise expérience.
Et puis finalement Kylotonn m’a appelé, et depuis ça fait bientôt 8 ans! 

Les qualités que tu estimes indispensables pour ton métier ?

Rigueur, autonomie, sérieux, sens du détail…Savoir regarder l’environnement autour de soi, tous les détails, quand on se balade dans la rue,  faut jamais regarder par terre ! Il y a tellement de trucs qui se passent en l’air, l’architecture, les sculptures , les bas reliefs ainsi que les traces du passé sur les murs ou les porches de maison, c’est hyper intéressant. 

Quel est le projet sur lequel tu as préféré travailler ?

Tourist trophy ! J’ai pris énormément de plaisir à travailler dessus, l’équipe marchait bien, on était assez libre dans ce qu’on faisait, il y avait une vraie émulsion qui s’était créée dans l’équipe c’était super sympa. A l’époque, l’équipe de VRally 4 nous enviait presque (rire).
Aujourd’hui on est plus sérieux, c’est un mal pour un bien, mais l’ambiance est un peu différente.

Le mot de la fin ?

“La tension est insoutenable , dis quelque chose … n’importe quoi … Banane flambée !“

 

Scrubs 

28 juin 2023